Introduction : Naviguer dans les eaux troubles de l'audit fiscal pour les entreprises étrangères

Bonjour à tous, je suis Maître Liu de Jiaxi Fiscal. Avec plus d'une douzaine d'années d'accompagnement des entreprises étrangères en Chine et près de quatorze ans d'expérience dans les procédures d'enregistrement et de conformité, j'ai vu défiler un nombre considérable de dossiers, de réussites, et surtout, de situations délicates lors des contrôles fiscaux. L'article « Problèmes courants lors des audits fiscaux des entreprises étrangères » que nous abordons aujourd'hui n'est pas qu'un simple inventaire théorique ; c'est une carte des écueils que rencontrent trop souvent nos clients. Pour l'investisseur francophone aguerri, comprendre ces pièges n'est pas une option, c'est une nécessité stratégique. Le paysage fiscal chinois, dense et en évolution constante, peut sembler être un labyrinthe pour qui ne le pratique pas au quotidien. Un audit fiscal n'est pas nécessairement synonyme de faute, mais il devient rapidement un cauchemar coûteux si l'entreprise n'est pas préparée. Cet article se propose donc de vous éclairer, non pas avec le jargon intimidant des circulaires officielles, mais avec le regard pratique de quelqu'un qui a passé des heures en réunion avec les bureaux fiscaux, à décortiquer des factures et à argumenter sur la nature d'une transaction. Nous allons plonger dans le vif du sujet, en évoquant des cas concrets et en partageant les réflexions que nous inspirent ces défis administratifs récurrents. Accrochez-vous, le voyage dans les arcanes de la fiscalité pratique commence ici.

Prix de transfert

Le sujet qui revient en tête de liste, presque inévitablement, c'est celui des prix de transfert. C'est un classique, mais un classique qui fait toujours mal. Beaucoup de nos clients, surtout les groupes internationaux, ont des transactions avec leurs maisons-mères ou filiales à l'étranger. Le principe est simple pour l'administration fiscale : ces transactions doivent se faire à des conditions de pleine concurrence, comme si les parties étaient indépendantes. Mais dans la pratique, c'est là que les choses se corsent. Je me souviens d'un fabricant européen de pièces automobiles qui facturait ses ventes à sa filiale chinoise à un prix très bas, arguant de volumes importants. Le bureau fiscal local, lui, a estimé que ce prix ne couvrait pas une marge raisonnable et a procédé à un réajustement substantiel, entraînant un arriéré d'impôt sur le revenu des entreprises et des pénalités salées. Le dossier a été long et technique, mobilisant des analyses fonctionnelles et des études de comparables. Le problème, c'est que beaucoup d'entreprises pensent que parce qu'elles sont en perte ou à faible marge en Chine, elles sont à l'abri. C'est une erreur. L'administration scrute la valeur créée localement : la R&D, le marketing, la gestion des risques... Si votre filiale chinoise assume des fonctions et des risques significatifs, elle doit dégager une rémunération appropriée. La documentation contemporaine (le « Master File » et le « Local File ») n'est pas une formalité, c'est votre première ligne de défense en cas d'audit. Sans elle, vous êtes présumé coupable, et la charge de la preuve vous incombe. C'est un travail fastidieux, mais négliger la politique de prix de transfert, c'est s'exposer à des redressements qui peuvent mettre en péril la viabilité de l'opération locale.

Au-delà de la documentation, il y a la stratégie elle-même. Une approche trop agressive, visant à minimiser artificiellement les bénéfices en Chine, est un signal rouge pour les autorités. Avec la montée en puissance du BEPS (Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices) et l'échange automatique d'informations entre juridictions, les administrations fiscales disposent d'une vision de plus en plus globale de vos opérations. Une réflexion que je partage souvent avec mes clients : il ne s'agit plus de « jouer » avec les prix, mais de construire un modèle économique cohérent et défendable, où la répartition des profits suit réellement les activités et les risques. C'est un changement de paradigme. On passe d'une logique purement comptable et fiscale à une logique de substance économique. Et c'est précisément sur cette substance que les vérificateurs se concentrent aujourd'hui.

Déductibilité des charges

Autre nid à problèmes : la déductibilité des frais. Les entreprises étrangères ont souvent des dépenses qui semblent normales d'un point de vue global, mais qui ne passent pas le filtre strict du droit fiscal chinois. Prenons l'exemple des redevances (« royalties ») ou des frais de service intra-groupe. Il est fréquent que la maison-mère facture à sa filiale chinoise des frais de gestion générale, de « support technique » ou d'utilisation de marque. Pour que ces charges soient déductibles, elles doivent répondre à plusieurs critères impératifs : être réelles, nécessaires à l'activité, supportées par la filiale, et surtout, accompagnées d'une documentation probante. J'ai vu trop de dossiers où la facture était juste un PDF générique sans aucun détail sur la nature des services rendus, leur durée, ou les personnes impliquées. En audit, cela ne tient pas. L'administration exige des contrats, des time-sheets, des rapports d'avancement, des preuves de la valeur apportée.

Un cas marquant était celui d'une entreprise de services qui payait une redevance annuelle importante pour l'utilisation d'un logiciel et d'un nom commercial. Lors du contrôle, le vérificateur a demandé à voir le contrat détaillé avec la maison-mère et a contesté une partie de la charge, estimant que le logiciel était largement standard et que la valeur de la marque sur le marché chinois n'était pas démontrée. L'ajustement a été significatif. La clé est la notion de « bénéfice économique » : la dépense doit générer un avantage économique direct et mesurable pour l'entreprise en Chine. Les frais généraux administratifs répartis de manière forfaitaire sont particulièrement vulnérables. Il faut pouvoir justifier de la méthode d'allocation et de son lien avec les activités locales. Mon conseil : traitez chaque facture intra-groupe avec le même sérieux qu'une facture à un client externe. La rigueur dans la paperasse est votre meilleure alliée.

Problèmes courants lors des audits fiscaux des entreprises étrangères

Permanence fiscale

Voici un angle souvent sous-estimé, mais aux conséquences potentiellement lourdes : la question de la « permanent establishment » (PE) ou établissement stable. Beaucoup d'entreprises étrangères pensent qu'en n'ayant pas d'entité légale enregistrée en Chine, elles échappent à l'impôt chinois. C'est une illusion dangereuse. La notion d'établissement stable est large. Elle peut être déclenchée par un chantier de construction de plus de six mois, bien sûr, mais aussi par la présence d'un employé qui conclut régulièrement des contrats au nom de l'entreprise étrangère, ou même par un agent dépendant. Je me souviens d'un éditeur de logiciels français dont le commercial, basé à Shanghai avec un contrat local, négociait et signait des accords de licence au nom du siège. Le bureau fiscal a considéré qu'il constituait un établissement stable, imposant ainsi les profits attribuables à ces activités en Chine. La facture a été salée : impôt sur le revenu rétroactif, intérêts de retard, et pénalités.

La frontière est ténue entre une activité de représentation pure et une activité qui crée un établissement stable. Avec la digitalisation, de nouvelles questions émergent, comme la présence d'un serveur ou la conclusion automatisée de contrats en ligne. L'administration chinoise, à l'instar des tendances mondiales (OCDE), interprète cette notion de manière de plus en plus extensive pour taxer les bénéfices là où la valeur est créée. Pour les entreprises qui envoient du personnel en mission prolongée ou qui déploient des ressources commerciales sur le terrain, une analyse préalable est cruciale. Il vaut parfois mieux créer une entité légale (une WFOE) pour clarifier la situation et sécuriser le cadre fiscal, plutôt que de courir le risque d'un redressement surprise pour établissement stable caché, souvent sur plusieurs années.

Facturation et VAT

Sur le terrain opérationnel, les problèmes liés à la facturation et à la TVA (VAT) sont monnaie courante et peuvent donner lieu à des tracas administratifs sans fin. Le système de fapiao (发票) est unique et très contrôlé. Une erreur dans les informations (nom du client, numéro d'identification fiscale, montant), une facture perdue, ou des délais de déduction non respectés peuvent tout bloquer. J'accompagne une entreprise de retail qui a eu un sérieux problème : un lot important de fapiao d'entrée (pour ses achats) avait été omis dans la déclaration de VAT d'un mois, car le service comptable avait changé de main. À la déclaration suivante, ils ont tenté de les déduire, mais le système électronique a rejeté la demande car les fapiao dataient de plus de 360 jours. Résultat : une VAT à payer en totalité, sans possibilité de déduction, impactant directement la trésorerie. C'était une erreur humaine, mais le système ne fait pas de grâce.

Un autre écueil concerne les taux de VAT applicables. Selon le type de bien ou de service (13%, 9%, 6%, 0%), une mauvaise classification peut entraîner des sous-paiements ou des surpaiements d'impôt, et dans les deux cas, des corrections et pénalités. Avec la généralisation du système électronique de fapiao et les contrôles croisés automatisés, la marge d'erreur se réduit. La gestion des fapiao n'est pas une tâche subalterne ; elle demande une procédure interne stricte et une compréhension parfaite des règles de déduction et de reporting. Une petite négligence peut créer un effet boule de neige, attirant l'attention des vérificateurs sur d'autres aspects de votre comptabilité. Dans notre pratique, nous insistons toujours sur la mise en place de processus robustes de réception, vérification et enregistrement des fapiao, car c'est souvent par cette porte que les ennuis commencent.

Compliance des bénéficiaires

Un thème plus récent mais en pleine expansion est celui de la conformité des bénéficiaires effectifs (« ultimate beneficial owner » ou UBO). Dans le sillage des standards internationaux de lutte contre le blanchiment et l'évasion fiscale, la Chine a renforcé ses exigences de déclaration. Toute entreprise étrangère investissant en Chine doit identifier et déclarer ses bénéficiaires effectifs (les personnes physiques qui contrôlent in fine l'entité). Cela semble simple, mais pour les structures complexes avec des holding basées dans plusieurs juridictions, tracer le cheminement du contrôle jusqu'à l'individu peut être un casse-tête. J'ai eu le cas d'un fonds d'investissement asiatique avec une chaîne d'entités en cascade. La préparation du dossier a nécessité de remonter plusieurs niveaux et d'obtenir des documents certifiés de plusieurs pays.

Le risque ici est double. D'abord, une déclaration incomplète ou inexacte peut entraîner des refus d'opérations (comme l'enregistrement d'un changement d'actionnaire ou des distributions de dividendes), des amendes, et dans les cas graves, une mise sur liste noire. Ensuite, cette information, une fois collectée, est partagée entre différentes administrations (commerce, fiscalité, devises). Une incohérence entre la déclaration initiale au MOFCOM et celle au bureau fiscal peut déclencher un signal d'alarme. La transparence est désormais la règle absolue. Il n'est plus possible de se cacher derrière des sociétés écrans opaques. Pour l'investisseur, cela signifie qu'il doit cartographier sa structure de propriété bien en amont de tout projet et s'assurer que les informations fournies sont cohérentes à tous les niveaux. C'est un travail fastidieux, mais c'est le prix de l'entrée sur le marché aujourd'hui.

Traitement des pertes

Enfin, abordons un point qui touche à la stratégie financière à long terme : le report des pertes. Les entreprises étrangères en phase de démarrage accumulent souvent des pertes. La bonne nouvelle est que ces pertes peuvent généralement être reportées sur les exercices futurs pour compenser les bénéfices, sur une période allant jusqu'à 5 ans (voire 10 ans dans certains secteurs encouragés). La mauvaise nouvelle, c'est que ce report n'est pas automatique et peut être remis en cause lors d'un audit. L'administration peut contester le report si elle estime que les pertes ne sont pas « commercialement normales » ou si elles résultent de pratiques de prix de transfert non conformes, comme évoqué plus haut.

J'ai accompagné une startup technologique qui, après cinq années de lourds investissements en R&D, commençait enfin à être profitable. Lors de leur première année de bénéfice, ils ont naturellement voulu utiliser les pertes reportées des années précédentes. L'audit fiscal qui a suivi a minutieusement examiné la nature de toutes les dépenses ayant généré ces pertes, en particulier les salaires des chercheurs et les coûts de sous-traitance à l'étranger. Heureusement, leur documentation était impeccable : projets de R&D enregistrés, rapports techniques détaillés, preuves de la propriété intellectuelle développée. Le report a été accepté. La leçon est claire : les pertes doivent être « propres », générées par une activité économique réelle et bien documentée. Une perte chronique sans perspective de profitabilité peut même soulever des questions sur la « substance » de l'entreprise et son droit à continuer à opérer. Gérer ses pertes, c'est aussi préparer sa future profitabilité.

Conclusion : De la vigilance à la sérénité fiscale

Pour conclure, naviguer les audits fiscaux en Chine pour une entreprise étrangère demande bien plus qu'une connaissance théorique des textes. C'est une discipline pratique qui mêle rigueur administrative, anticipation stratégique et documentation méticuleuse. Comme nous l'avons vu à travers ces différents angles – prix de transfert, déductibilité, établissement stable, facturation, bénéficiaires effectifs et traitement des pertes – les risques sont interconnectés. Une faiblesse sur un point peut ébranler l'ensemble de l'édifice. L'objectif de cet article était de vous fournir non pas une liste exhaustive de règles, mais une grille de lecture des préoccupations réelles des vérificateurs, basée sur le terrain. L'importance d'une approche proactive ne peut être surestimée. Attendre l'avis d'audit pour se poser des questions, c'est déjà être en retard.

En tant que Maître Liu, avec mes années sur le front, ma réflexion prospective est la suivante : la tendance est à une sophistication accrue des outils de contrôle (big data, IA) et à une coopération internationale renforcée. La « boîte noire » fiscale se referme. Demain, la conformité ne sera plus seulement une question d'éviter les pénalités, mais un élément central de la réputation et de la résilience de l'entreprise en Chine. Investir dans une structure fiscale robuste et transparente n'est donc pas un coût, mais un investissement stratégique pour la pérennité de vos opérations. Il faut construire son modèle en pensant dès le départ à sa défendabilité devant l'administration. Pour celles et ceux qui sont déjà engagés dans l'aventure chinoise, un check-up régulier de vos positions fiscales critiques est plus que recommandé, c'est indispensable. La sérénité face à un contrôle vient d'une préparation sans faille.

Le point de vue de Jiaxi Fiscal sur les audits des entreprises étrangères

Chez Jiaxi Fiscal, notre expérience de plus de 12 ans au service des entreprises étrangères nous a forgé une conviction : la gestion du risque fiscal en Chine est un processus continu et intégré, qui commence bien avant l'audit. Nous ne considérons pas la conformité comme une fin en soi, mais comme le socle permettant à l'entreprise de se concentrer sur son cœur de métier et sa croissance. Notre approche face aux problèmes courants d'audit est triple. Premièrement, la prévention : à travers des revues fiscales santé régulières, nous identifions les vul